L’arrêt de la Cour de cassation du 7 février 2024 (n° 22-20.258) apporte des précisions sur les droits des salariés intérimaires en cas de violation des dispositions du Code du travail par une entreprise utilisatrice. Cette décision permet aux salariés de faire valoir des droits équivalents à un contrat à durée indéterminée (CDI) à compter de leur première mission irrégulière.
En droit du travail français, le contrat à durée indéterminée (CDI) est le contrat de travail standard, offrant une stabilité et des protections importantes pour le salarié. Le CDI intérimaire, introduit pour encadrer les missions temporaires répétitives, est souvent au cœur des litiges liés à la requalification de la relation de travail. La décision récente de la Cour de cassation éclaire les implications de telles requalifications pour les salariés intérimaires et les entreprises utilisatrices.
Les faits et la procédure
La société Adecco France a mis à disposition de la société Petzl distribution Mme [C], opératrice d’assemblage, sous divers contrats de mission entre avril 2015 et décembre 2015. En janvier 2016, Adecco et Mme [C] ont conclu un CDI intérimaire. Ce contrat a conduit Mme [C] à travailler pour plusieurs entreprises : Petzl distribution jusqu’en mai 2019, Hager Security en juin-juillet 2019, et Araymond France en juillet-août 2019.
Le 26 septembre 2019, Mme [C] a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification de ses missions intérimaires en CDI auprès de Petzl distribution et contester la rupture de sa relation de travail avec cette entreprise. Elle a été licenciée par Adecco le 26 novembre 2019.
Les moyens de la défense
L’entreprise utilisatrice a contesté la requalification des missions en CDI et le jugement de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a fait valoir que le CDI intérimaire est soumis aux règles du CDI classique et que la cessation de la mission ne peut être considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également souligné que le salarié ne peut pas recevoir des indemnités de rupture des deux entreprises pour les mêmes missions.
La réponse de la Cour
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’entreprise. Elle a affirmé qu’une entreprise utilisant les services d’un salarié d’une entreprise de travail temporaire en violation des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du Code du travail doit considérer ce salarié comme étant sous CDI dès sa première mission irrégulière, indépendamment de la signature d’un CDI intérimaire avec l’entreprise de travail temporaire.
La Cour a également confirmé que la rupture des relations contractuelles à la fin d’une mission par l’entreprise utilisatrice équivaut à un licenciement ouvrant droit à des indemnités de rupture, même si le salarié est sous CDI intérimaire. Ainsi, Mme [C] a été reconnue comme ayant été licenciée sans cause réelle et sérieuse par Petzl distribution et Adecco a été condamnée à payer les indemnités correspondantes.
Analyse et implications
Cette décision de la Cour de cassation est favorable aux salariés intérimaires. Elle clarifie que même avec un CDI intérimaire, les missions effectuées en violation des dispositions légales peuvent être requalifiées en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice.
La jurisprudence de la Cour de cassation adapte ainsi ses décisions antérieures sur les CDD intérimaires, permettant aux salariés de poursuivre à la fois l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice pour des ruptures de contrat sans cause réelle et sérieuse, même lorsque les périodes de mission se chevauchent.
Cette décision rappelle que les salariés des entreprises intérimaires doivent disposer de contrats, qui sont très encadrés par le droit.